FIS (FRONT ISLAMIQUE DU SALUT)

Fondé le 18 février 1989 dans la mosquée al-Sunna de Bab el Oued à Alger, le FIS a été légalisé par le ministère de l’Intérieur le 16 septembre 1989.

Le FIS centre son idéologie sur le respect strict des valeurs de l’Islam. Selon lui, la législation doit se soumettre aux impératifs de la Chari’a dans tous les domaines. Le concept de démocratie est assimilé à l’athéisme, et la légalisation des partis « qui prônent la contradiction avec l’islam » est condamnée. Avant le premier tour des élections législatives de décembre 1991, certains dirigeants parlaient d’interdire les partis laïques et socialistes en cas de majorité du FIS. Loin d’être homogène, le FIS est marqué par des dissensions philosophiques internes nettes entre le clan de la Djazaara (les « djazaristes », partisans du dialogue et d’une islamisation par étapes), proche des Frères Musulmans égyptiens, et le clan de la Salaafia (les « salafistes », partisans d’une islamisation radicale de la société algérienne et plutôt internationalistes).

Dès sa création, le FIS est apparu comme le premier parti politique du pays. Il a rapidement séduit les jeunes Algériens sans emploi ou marginalisés, une couche importante de la population. Lors des élections locales du 12 juin 1990, il a remporté 54,3% des voix et a montré sa solide implantation dans un grand nombre de régions. Le FIS a ensuite remporté 47,3 % des votes exprimés (le taux d’abstention avait été de 41%) lors du premier tour des élections législatives du 26 décembre 1991. Il a en outre profité d’un système électoral uninominal à deux tours basé sur un découpage électoral arbitraire favorisant les gros blocs (système concocté par le pouvoir en place afin d’affaiblir les partis démocratiques).

Suite au coup de force de l’armée qui a interrompu le processus électoral le 11 janvier suivant, le FIS a été déclaré hors-la-loi (mars 1992). Les municipalités qu’il gérait ont alors été dissoutes, les mosquées qu’il contrôlait dépolitisées et de très nombreux dirigeants et militants emprisonnés. Le parti s’est alors réorganisé en exil (en Europe et aux Etats-Unis) et clandestinement en Algérie.

L’Armée Islamique du Salut (AIS), la branche armée du FIS, est entrée en action en juillet 1992 en s’attaquant à l’armée et à des objectifs publics. L’AIS semble également responsable de meurtres d’intellectuels. Les liens du FIS avec les groupes islamiques armés les plus durs restent flous même si certains dirigeants condamnent fermement les actes sanglants commis par le GIA contre la population civile.

Réunis avec d’autres forces de l’opposition (notamment le FFS) en janvier 1995 à Sant’Egidio en Italie, des dirigeants du FIS en exil sont co-signataires du « Contrat national », document qui, notamment, condamne la violence comme mode d’action politique, réclame le rétablissement du FIS et envisage la reprise du processus démocratique comme unique moyen pour parvenir à une issue pacifique et durable de la crise algérienne. Plus récemment, le Bureau exécutif du FIS en exil a approuvé l’ »Appel pour la paix » de novembre 1996. En janvier 1996, les membres les plus durs ont même été exclus de l’instance dirigeante du FIS à l’étranger. Abdelkrim Ould Adda, le porte-parole actuel du FIS à l’étranger, est réfugié politique en Belgique.

La mise au ban du FIS par le pouvoir militaire en mars 1992 est confirmée par la révision constitutionnelle de novembre 1996 – et par une loi votée en février 1997 – qui interdit l’existence de partis politiques qui se fondent sur l’Islam et l’arabité. Le FIS n’a pas participé aux élections législatives du 5 juin 1997.

La situation a cependant changé après l’élection du Président Abdelaziz Boutéflika en avril 1999. Deux mois après son élection, l’AIS proclamait un cessez-le-feu unilatéral suivi le mois suivant du pardon accordé lors de la fête de l’Indépendance par le Président Boutéflika à 2.300 militants islamistes emprisonnés. Dans le même temps, le président algérien présentait au Parlement algérien sa loi de « réconciliation nationale » accordant l’amnestie aux membres et sympathisants de l’AIS. Cette loi, adoptée avec une écrasante majorité dans les deux chambres (288 votes positifs sur 380 à l’Assemblée nationale et 131 votes positifs sur 150 au Conseil de la Nation) a été confirmée par réferendum le 16 septembre 1999, et plusieurs milliers de prisonniers supplémentaires ont été rapidement libérés.

Selon les déclarations du nouveau Président algérien, le FIS pourrait éventuellement renaître comme parti politique mais sous un nouveau nom puisque la Constitution de 1996 interdit tout part se référant à la religion. Un élément qui a sans doute contrarié sérieusement ce processus a été l’assassinat du numéro 3 du FIS, Abdelkader Hachani, le 22 novembre 1999 à Alger. Hachani, libéré de prison en 1997, était considéré comme le meilleur espoir de recréer le FIS comme une force politique d’opposotion tout à la fois pacifique et crédible.

Une nouvelle page de l’histoire du Front s’est ouverte le 2 juillet 2003 avec la libération simultanée d’Abassi Madani et Ali Belhadj, les numéros 1 et 2 du FIS.Accusés d’avoir « porté atteinte à la sûreté de l’État », suite à la grève insurrectionnelle de mai et juin 1991 qu’avait organisée le FIS, les deux hommes avaient été condamnés en juillet 1992 à douze ans de prison ferme. Aussitôt libérés, ils se sont vu notifier un procès-verbal leur signifiant l’interdiction « de tenir réunion, de créer une association à des fins politique, sociale, religieuse ou autres, de s’affilier ou d’activer au sein des partis ou de toute autre association civile (…), de participer à toute manifestation politique, sociale, culturelle ou religieuse ». Ils sont également interdits de vote ou de candidature « à une quelconque élection ».